Luca Turilli’s Rhapsody – Prometheus – Symphonia Ignis Divinus – 2015

Rhapsody, Luca Turilli's - Prometheus - Symphonia Ignis Divinus - Artwork

Dans le Metal, certains esprits se montrent plus prolifiques que d’autres, certains sont plus hargneux que d’autres et enfin, certains ont des ambitions bien plus grandes que d’autres. Luca Turilli fait partie de ces derniers. De 1993 à 2011, lui et Alex Staropoli ont développé un immense univers, parsemé de dragons et autres créatures légendaires. Immenses épopées guerrières et lyriques, narrées quelques fois par la voix du légendaire Christopher Lee, Rhapsody (of Fire) a développé un style à part entière : un Metal cinématographique qui ne suit pas le schéma habituel, déployant un concept monstrueux à chaque réalisation. Depuis 2011, Luca Turilli a fait progresser [a fait avancer → a développé] son Rhapsody, en compagnie de Dominique Leurquin à la guitare, Alessandro Conti au poste de chanteur, Patrice Guers à la basse et enfin Alex Landenburg derrière les fûts. Fier d’avoir délivré un fantastique Ascending to Infinity moins d’un an après le split, le virtuose Italien a pris son temps afin de réaliser Prometheus – Symphonia Ignis Divinus au terme de 7 mois de composition, 3 mois de production, plus de 50 jours de mixage, comprenant deux chœurs, et avec la participation de nombreux guests comme Ralf Scheepers (Primal Fear), Dan Lucas (Karo) et David Readman (Pink Cream 69). Tout cela aura été nécessaire pour donner naissance à ce cru 2015.

L’artwork, futuriste et obscure, met en exergue les thèmes principaux de l’opus : la science, la métaphysique, les dimensions parallèles, le surnaturel, l’évolution spirituelle, les mythes et les légendes des planètes. Prometheus démarre avec Nova Genesis: après son intro au clavier accompagné d’un chant féminin très cristallin, la narration occulte fait son apparition afin de lancer l’orchestre et les chœurs. En tant que morceau quasi uniquement orchestral, on peut rapprocher cette introduction à un générique, permettant de parfaitement entrer dans cet album. Le second titre Il Cigno Negro débute sur un magnifique thème au piano, vite rejoint par la bande de Turilli.

Première remarque, le mixage réalisé par Luca met très fortement en avant les orchestrations et les chants, tandis que les instruments électriques se retrouvent plus en retrait. Véritable cavalcade lyrique, la ligne vocale d’Alessandro Conti est juste fantastique, montant suffisamment haut pour instaurer l’admiration de l’auditeur mais sans tomber dans l’excès. Le solo de Turilli est, comme à son habitude, une magnifique démonstration, avec un sweeping d’une pureté rarement égalée, idéal pour lancer un final tout en majesté, orchestrations et chœurs s’alliant parfaitement.

            Rosenkreuz est l’un des morceaux dévoilés par le groupe avant la sortie de l’album. Débutant par des chants liturgiques et une ambiance cybernétique, le titre déstabilise avec cette curieuse association tandis que sa structure et son rythme rappelle assez Il Cigno Negro. Cependant, la piste tire son épingle du jeu avec ce mélange d’ambiance futuriste et classique. Plus grandiloquente dans ses lignes orchestrales, la piste gagne en intensité et en charisme.

Après avoir proposé deux morceaux très rythmés, Anahata se veut moins directe, mais également plus travaillée sur les mélodies ; On retient notamment un refrain sublime à la ligne vocale magnifique. Afin de couper l’auditeur dans son élan, Turilli nous invite au voyage avec un pont très arabisant, servant de support au solo de l’italien.

L’album continue avec Il Tempo Degli Dei, dont les parties symphoniques sont tout simplement sublimes : tandis que le groupe joue une partie rythmique très légère, l’aspect symphonique ajoute toute sa puissance pour obtenir une ambiance très marquées. Après une interlude au piano, la piste reprend de plus belle. Les différentes montées en puissance font de ce titre un des plus marquants de l’opus, dont on soulignera notamment un final majestueux, impressionnant de force et d’impact.

La piste suivante mènera certain dans les Terres du Milieu : One Ring to Rule Them All est dans la poursuite d’Il Tempo Degli Dei : un morceau tout en grandiloquence, combinant une rythmique puissante et une utilisation parfaite de l’orchestre et des chœurs. Cette piste représente à elle-seule le contenu de tout le CD, avec de nombreuses ambiances habilement assemblées, digne des meilleurs bandes-son du cinéma. Le pont central laisse place à la guitare sèche et au chant féminin, avant que l’un des solos les plus vertigineux du compositeur italien ne vienne briser ce moment de calme. Après la tempête, les instruments folkloriques prennent place avant un final reprenant un des thèmes principaux.

Changement radical avec Notturno et son ouverture digne des opéras et des drames. Prenant l’auditeur à contre-pied par une ambiance mélancolique et délicate, Luca Turilli montre (comme si on en doutait encore) son incroyable aisance à varier les émotions. Alessandro Conti, assisté par une chanteuse lyrique, se lâche pleinement et donne à ce titre une identité très marquée au cœur de l’album.

Second single dévoilé, Prometheus est, étrangement, l’un des plus fades de l’opus : morceau moins travaillé et clairement plus électrique que le reste des compositions, il est le plus simple d’accès et ne représente pas objectivement le reste de l’album. King of Solomon and the 72 Names of God rattrape bien cette petite erreur de parcours grâce à une ouverture plus obscure, aux relents orientaux . Puis arrive la montée « Rhapsodienne », sortant la tête de l’auditeur de cet univers oppressant, avant de l’y replonger. Le titre développe une puissance jouissive de par son ambiance, et de par ses arrangements, encore une fois menés d’une main de maître par Turilli. Le break, on ne peut plus oriental, sert de base rythmique à un solo double impressionnant de cohérence. Enfin, le morceau dévoile un final dont la majesté dépasse les espérances, avec un florilège d’orchestrations.

Pour ceux qui l’ignorent, l’Yggdrasil est l’Arbre-Monde dans la mythologie nordique sur lequel reposent les 9 royaumes : Ásgard, Vanaheim, Álfheim, Midgard, Jötunheim, Svartalfheim, Niflheim, Muspellheim et enfin Nibelheim. Après une ouverture au piano, l’orchestre donne le tempo aux guitaristes qui entament une magnifique collaboration, pleine de puissance et de grâce. Très subtil dans son évolution, et rappelant les grandes heures de Rhapsody au grand complet, ce titre est clairement un des piliers de l’opus, enchaînant moments de surpuissance et montées progressives. L’interlude folklorique de toute beauté est de loin la plus travaillée de tout l’album, avec une véritable fluidité et technique. Combinant les chœurs et le folklore, l’ascension finale est tout simplement parfaite.

Of Michael the Archangel and Lucifer’s Fall Part II : Codex Nemesis est le titre final de Prometheus, avec 18 minutes au compteur, soit deux minutes de plus que la partie précédente, présente sur Ascending to Infinity. L’ouverture sur l’ambiance cybernétique rappelle le début du disque, avec un piano inquiétant. La montée se fait progressivement avec l’intervention successive des guitares et des hurlements de sirènes dans cet univers cybernétique : dans cette désolation, une narration occulte émerge. Le tempo s’accélère avec le piano suivit de l’orchestre et des guitares. Le riffing est assassin et directement inspiré de la première partie de cette épopée biblique. La vitesse d’exécution est parfaitement dosée afin de laisser la place aux changements d’ambiance avec notamment un clavier futuriste suivi de chants liturgiques.

La montée de Conti, accompagnée d’un double pédale parfaitement calibrée et imparable, met fin à ce passage religieux. L’orchestre se réveille et s’allie avec les chœurs pour un refrain titanesque : le retour du riff principal avec les trompettes permet de faire avancer le cheminement du morceau. L’arrivée de la batterie martiale et de l’ambiance cybernétique marque le milieu de ce titre. La montée progressive initiée par la partie symphonique est poursuivie par un clavier furieux et une guitare virevoltante. Pour terminer cette piste, l’orchestre relance une dernière fois la machine de guerre, avant de finir sur l’un des thèmes d’ouverture. Le résultat est sans appel, Luca Turilli’s Rhapsody propose une nouvelle évolution dans son univers mécanique et cinématographique.

Délaissant l’aspect Metal pour accentuer les orchestrations, le groupe développe un nouvel univers, mélangeant un nombre affolant d’influences et de cultures, tout en gardant des gimmicks propres au passé des différents protagonistes.

Les personnes souhaitant un nouvel album façon Frozen Tears of Angels seront déçus. Les autres découvriront un monde incroyable, dans lequel l’orchestre prend son envol et nous propose une collaboration parfaitement exécutée avec le compositeur italien.

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